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L'AUTOPSIE D'UNE DEPRESSION En parallèle avec la création du Cd "BURN OUT", j'ai écrit les lignes qui suivent... J'essaye d'expliquer à travers le récit édulcoré de ma carrière comment s'installe et se développe le syndrome du BURN OUT. Vous retrouverez, insérés, les textes des chansons du CD "BURN OUT" et quelques autres pas encore enregistrées. Ils sont le reflet des sentiments du moment. L'air de rienDelphine Mailland/ Alain OliveDeposé SACEMIl y a les politiques, il y a les savants, et puis il y a moi, qui ne vend que du vent, des paroles en l'air c'est tout ce que je sais faire...... des mots trés légers, faits pour s'envoler...... L'air de rien, je connais mon chemin!!! j'arriverai tout au bout, aussi bien que vous!!! et je préfère rester dans l'imaginaire l'esprit dans les étoiles, nez au vent, tête en l'air, le doigt levé interrogeant le ciel, de l'abeille ou la fleur savoir d'où vient le miel ? L'air de rien, je vais au bout du chemin!!! sans chercher d'étiquette, juste un peu poête!!! et j'avance funambule sur un fil transparent; mes pensées sont des bulles qui éclatent dans le vent; fille de l'air, farfadet de l'espace, je vais ou je veux sans laisser de trace..... Une heure de plus ou une heure de moins l'air de rien, je vais au bout du chemin..... Et quoi que l'on en pense, rien ne me fait offense, je sais ce que je vaux, je sais ce que je fais, Seule votre souffrance force mon intérêt, chacun y puise sa propre vérité..... L'air de rien ne cherchez pas trop loin, je vous donne rendez-vous dans le même trou.... Il y a les scientifiques, les savants, et puis moi qui ne vend que du vent. Prologue Je ne sais pas si le chemin fut long, mais il fut difficile, il l'est encore.
Je ne crois pas écrire ces quelques lignes pour qu'elles passent à la postérité, ni même en pensant que mon existence puisse intéresser les foules, non plus en guise de thérapie ; mon psy est là pour ça. Simplement en avertissement à ceux qui sont encore en activité, un petit livre de chevet pour tout(e)s les étudiants infirmier(e)s en formation. Pour leur dire que ce métier est un des plus beau au monde, qu'il faut certes l'exercer avec cœur et âme, mais il faut éviter d'y laisser sa santé et son âme ! ConfidenceDelphine Mailland/ Alain OliveDeposé SACEMJe t’avouerai en confidence Sur les ailes du silence Sur un ton confidentiel Ce que m’a confié le ciel, Je te dirai un soir d’ivresse Avec une once de tendresse Je te dirai dans un soupir Les souvenirs qui me déchirent. Je raconterai sans méfiance Tous les chagrins de l’existence, Même ceux qui sont superficiels Peuvent laisser un goût de fiel. Mais dans un élan de confiance Enfin les rêves de mon enfance ; Sur un ton confidentiel, Tu comprendras leur goût de miel. Je t’avouerai en confidence, Sur les ailes du silence Sur un ton confidentiel Ce que m’a confié le ciel, Il te faudra tendre l’oreille, Pour savoir toutes les merveilles Qu’un soir je te dirai en douce, Lorsque la lune sera rousse Il te faudra tendre l’oreille ; Pour savoir toutes ces merveilles ; Qu’un soir je te dirai en douce, Lorsque la lune sera rousse. Un dernier sursaut de pudeur, Et je te livrerai mon cœur ! Que feras-tu de mes secrets ? Que feras-tu de mes secrets La Britannique Florence Nightingale naquit le 12 mai 1820 elle mourut le 13 août 1910. Elle est considérée comme une pionnière du métier d'infirmière. Elle se rebella contre les conventions de son temps et son destin de femme au foyer et choisit le métier d'infirmière, alors dévalorisé et réservé aux pauvres. En 1853, sur recommandation du secrétaire à la Guerre Sidney Herbert, elle devint superintendante à l'Institute for the Care of Sick Gentlewomen. Son succès le plus marquant fut sa participation à la guerre de Crimée. Un rapport sur les conditions de vie des soldats blessés incita Herbert à envoyer Nightingale là-bas. Le 21 octobre 1854 Florence Nightingale et un bataillon de 38 infirmières volontaires furent envoyées en Crimée. À Scutari (aujourd'hui Uskudar), Nightingale et ses consœurs réformèrent et nettoyèrent l'hôpital contre la réaction des docteurs et officiers et firent chuter le taux de mortalité de 40% à 2%. Elle y contracta la brucellose. Son retour au Royaume-Uni fut triomphal le 7 août 1857. Elle consacra le reste de ses jours à promouvoir son métier. Elle fonda une école d'infirmières qui porte son nom. La guerre de sécession en 1861 entraîna le gouvernement de l'Union à faire appel à elle pour organiser ses hôpitaux de campagne. Elle fut aussi une experte statisticienne et une pionnière de l'épidémiologie. Elle inventa des diagrammes circulaires (nos " camemberts ") pour exposer les résultats de ses réformes. En 1858, Florence Nightingale fut la première femme membre de la Statistical Society. En 1883, la reine Victoria lui décerna la Royal Red Cross et en 1907, elle fut la première femme à recevoir le Merit Order. Elle resta alitée de 1896 à sa mort. Dans Le Monde d'hier, Stefan Zweig nous raconte que Florence Nightingale aurait été à l'origine de la fondation de Prix Nobel de la paix en convainquant Alfred Nobel afin qu'il répare le "mal qu'il avait causé avec sa dynamite". Comment s'installe le burn-out Par où commencer pour expliquer, pour comprendre quand et pourquoi s'installe un processus de burn-out? Déjà définir le burn-out: Il est synonyme d'épuisement professionnel, ce syndrome comporte un ensemble de troubles psychologiques et affectifs, il se traduit par: 1. Un épuisement physique avec fatigue intense. 2. Un épuisement émotionnel avec apparition de cynisme et de froideur dans les relations humaines et professionnelles. 3. Un désintérêt pour la profession. Le burn-out s'installe petit à petit, c'est un état de stress chronique et de surmenage, les causes en sont multiples et enchevêtrées et ont leurs origines dans le travail. Il s'agit d'un épuisement complet des ressources physiques, émotionnelles et intellectuelles. Avant d'être une maladie, le burn-out est un état de crise. Les populations à risques: Les membres des corps soignants, les travailleurs sociaux, les enseignants, les cadres d'entreprise sont de plus en plus concernés. Cette définition du burn-out est édulcorée, pour plus d'information: Rendez-vous sur les sites internet vous serez surpris par le nombre d'écrits sur le sujet. Décrit dans les années 70 par le psychologue américain Freudenberger, "Le burn-out touche des métiers qui procurent une aide comme les soignants, les enseignants, les éducateurs. C'est une pathologie de la relation à l'autre. " Pour ma part j'ai été touchée par l'article d'une jeune psychologue clinicienne, qui travaille à l'Hôpital d'Enfants de la Timone : Pauline Catillon. Son article, paru dans le journal trimestriel de l'union des compétences des intervenants soignants publics et privés, fut pour moi un énorme soulagement. Il me permettait de voir que quelqu'un d'autre que mon psychiatre reconnaissait ma souffrance, qu'elle avait un nom et que je n'étais pas la seule à en souffrir. Depuis, quelques articles commencent à paraître notamment dans le journal La Provence du jeudi 1er février 2007 : "25% des infirmières de l'hôpital nord se consument au travail " : " Leur état d'épuisement est pris au sérieux par l'assistance publique " s'en suit un article écrit par une infirmière anesthésiste qui résume bien la situation. Ceci me rassure, si on commence à se poser des questions, à faire un bilan, on est sur la voie de la discussion, du dépistage et peut-être de la prévention. 21 /02/2007 : Nouveau suicide au techno centre de Guyancourt. (Renault) : " Le parquet de Versailles à ouvert une enquête pénale pour vérifier les conditions de travail au vue de la lettre laissée par le suicidé, lettre laissée ostensiblement sur son écran d'ordinateur où l'on pouvait lire le résumé de son entretien avec la hiérarchie " a précisé Mr Hotebourg. Le burn-out serait-il contagieux ? Car je suis persuadée que ces cas de suicide sont à rapprocher du burn-out, les conditions de travail avec harcèlement moral entraînant un mal de vivre certain. Une autre affaire à rapprocher des autres en ce 15 mars 2007. Sur le site nucléaire de Chinon où l'on apprend le suicide de trois salariés. Un membre du personnel témoigne : " Il n'est pas bien vu dans les services de plaisanter !! " Le médecin du travail, le Dr Dominique Huez est interviewé sur France 2, il dénonce le système de management des grandes sociétés. Il avait notamment fait un rapport avant que ce drame n'arrive. Ce thérapeute fait ces déclarations en sachant que cela peut lui coûter sa carrière. Heureusement qu'il existe des hommes courageux. Jusqu'où faudra-t-il aller avant que l'on prenne en compte cette souffrance manifeste. L'homme s'épanouit par et dans le travail. S'il n'y a plus de plaisir à travailler, nous courrons droit à la catastrophe, je ne crois pas que ce système puisse perdurer, les êtres humains ne courbent pas le dos indéfiniment. Ces multinationales se moquent de mettre leur personnel en maladie, ce ne sont pas " elles " qui payent c'est la sécurité sociale, alors il faut trouver des solutions pour les contraindre à respecter ceux qui leur font gagner de l'argent : par exemple leur faire payer des amendes selon le pourcentage d'arrêt maladie dans l'entreprise, amende dont le montant serait intégralement versé dans les caisses de l'assurance maladie. Des solutions simples existent et elles sont faciles à mettre en place. Il suffit d'avoir le courage politique de les proposer et de les appliquer. Il faut redonner sa place à l'individu, reconnaître le droit à l'initiative, savoir mettre en valeur le travail de chacun et le reconnaître. Dans le cadre des métiers de la santé, il suffirait déjà de rendre un peu d'humanité à la profession de soignant. Le 22 novembre 2007 a eu lieu à Paris une formation infirmière dont le thème était : " Prévention du syndrome d'épuisement professionnel. " Site web : www.espaceinfirmier.com 08/01/2010 Trois ans viennent de passer, je n'ai plus écrit. L'année 2009 vient d'être terrible !! Vague de suicides chez France-Télécom… Je suis souvent heurtée par la réaction de certaines personnes qui vont jusqu'à dire : "Ils n'étaient pas habitués à travailler dur…alors… !! " Non !! Ce ne sont pas les plus feignants ou les plus fragiles qui se suicident !! Non !! C'est peut-être même tout le contraire…je ne sais plus où j'ai lu que " le burn out était une maladie de l'âme en deuil de son idéal. " *** Pour moi, 2009 a été le début de ma collaboration musicale avec Bernard Di Domenico. Il a composé toutes les musiques du CD et participé à l'écriture de quelques morceaux me permettant ainsi d'élargir mon propos au monde du travail en général. Au studio 26B ont eu lieu les enregistrements et Bernard Menu a fait des merveilles en matière d'arrangements. Il fut facile d'y poser ma voix…. *** Allauch, Janvier 2007. 6 heures du matin, les oiseaux se trompent de saisons, ils chantent dès le lever du jour pensant que nous sommes au printemps tellement l'air est doux. Dans le jardin le mimosa a fleuri et ce matin comme tous les matins depuis un an je suis surprise de me réveiller sans le souci d'avoir une mission particulière à remplir. Je m'étire en essayant de faire disparaître au plus vite les rêves de cette nuit, une fois de plus ils m'ont ramené à la clinique. Je m'étire et je paresse, juste pour affirmer mon droit de le faire, juste pour me persuader que c'est une chance incroyable d'être encore au lit pendant que les copains sont déjà au boulot. Mais je sais aussi qu'il ne faut pas que je m'attarde trop sinon, je ne vais plus avoir envie de faire partie de ce monde qui court sans moi. Et dans ce cas, les questions du genre: A quoi bon se lever ? Pour quoi faire? Ne trouvent pas de réponses valables. Pourtant, je vais relativement bien. Je suis presque sevrée des médicaments, j'en prends à la demande, je me déverse chez le psychiatre une fois par mois des angoisses passagères que je n'arrive pas forcément à gérer seule. Je sors de sa consultation, (pourtant courte), soulagée. Il a toujours été le seul à me faire admettre que j'avais le droit de craquer et que c'était une chose inéluctable au bout de 30 années de profession, eu égard aux conditions dans lesquelles nous l'exerçons. J'ai souvent le sentiment de lui dire les mêmes choses, il faut croire que je suis longue à la détente!! Cela fait quand même 4 ans et trois mois que je le vois. Il n'y a pas de comparaisons avec hier et aujourd'hui, je ne sais dire si le chemin fut long, il a été difficile; il l'est encore. Le burn out de NightingaleDelphine Mailland/ Bernard Di DomenicoDeposé SACEMBientôt trois ans que je la traîne Cette apathie cette migraine Refrain qui tourne à la rengaine Brise mon âme porcelaine. J'aurais souhaité garder mes ailes J'étais un oiseau j'étais celle Qui glissait sur un arc-en ciel S'éblouissait d'une étincelle !! C'est le burn-out de Nightingale La dépression du rossignol Un court circuit émotionnel Une portée sans clef de sol, C'est l'autopsie du rossignol Assassiné dans son envol Do ré mi fa sol la si do La chanson devient mon credo. La faute à qui ? S'il y a faute, J'ai rompu au lieu de céder, Je me suis pris pour Don Quichotte Face aux magnats de la santé ; Santé dont ils n'ont que le nom Trop préoccupés qu'ils le sont Du profit de leurs actionnaires, De leur marge bénéficiaire. Dans notre siècle des lumières Comment parler langage humain, A des sociétés financières Dont les pouvoirs n'ont pas de fin !! Oubliée toute humanité Plus de serment à respecter J'ai du rater un épisode ; Ou bien me tromper de période !! Je ne crois pas me tromper en pensant que la façon dont le travail est envisagé dès l'enfance a une influence déterminante sur notre vie professionnelle. La formation que nous recevons, ce que nous attendons de notre métier, la manière dont nous nous investissons sont des facteurs décisifs dans la possibilité de développer ou non un burn-out. J'ai décidé du métier d'infirmière depuis l'âge de 6 ans. J'étais plongée à cette époque dans des livres de la bibliothèque verte : série de Sherry Ames infirmière! J'ai conservé jusqu'à l'adolescence la même attraction pour les ouvrages concernant la médecine et les soins. J'ai eu le bonheur de vivre dans une grande maison où vivaient aussi mes grands-parents. Mais très tôt mon grand-père a fait plusieurs infarctus et fut donc contraint à arrêter de travailler. De ce fait, j'ai rapidement eu l'habitude d'écouter penchée au-dessus de la rampe le rythme de sa respiration. Je reconnaissais le bruit de sa boîte de trinitrine au cours des crises d'angor, je devinais l'intensité de la crise par mille petits détails, j'ai appris à identifier la souffrance, je savais l'imaginer, je la comprenais. En septembre 75, à 17 ans et huit mois (l'age légal à l'époque pour intégrer une école d'infirmière) je rentrais à la Croix-Rouge. La Croix-Rouge!! Symbole s'il en est du bénévolat, de la disponibilité. Par ailleurs, les infirmières étaient souvent des Sœurs qui consacraient leurs vies aux autres. Florence Nightingale était profondément croyante. Si la médecine a ses origines dans le génie grec, il ne fait aucun doute que la profession d'infirmière s'enracine dans le christianisme. Je n'ai jamais eu le sentiment de rentrer dans les ordres mais il est évident que nous subissons malgré nous le poids des symboles des institutions. Il n'était pas prévu au programme que les étudiants aient à réfléchir à leur engagement et aux moyens qu'ils se donneraient pour le gérer. Lorsque je consulte les pages de mon dossier d'évaluation continue, je me rends compte que les notes ne sanctionnaient que des contrôles de connaissances théoriques, des épreuves de soins infirmiers. De surcroît, dans les grilles d'évaluation de stages il n'était question que des capacités de l'élève face à la personne soignée ou par rapport aux soins infirmiers, à aucun moment il nous a été suggéré qu'un jour ou l'autre nous allions avoir à réfléchir sur notre capacité à gérer des émotions et des situations éprouvantes. Personne dans le secteur de la formation n'a su prévoir ni anticiper que les conditions de travail allaient changer de façon importante et que ma génération allait en souffrir. Janvier 79, diplôme en poche j'ai commencé par travailler en intérim, autant sur Paris que sur Marseille. Sur canevas de VerlaineDelphine Mailland/ Bernard Di DomenicoDeposé SACEMDe la passion avant toute chose, Et pour cela préfère la vie, Habilles la selon ton envie ; En aigle noir où vie en rose. Il faut aussi que tu n'ailles point La chose ne sera pas facile, Penser que la vie est futile, Elle se gagne souvent aux poings. C'est un canevas de Verlaine qui me va Qui me va, qui me va bien Un canevas de Verlaine Où l'ailleurs est mon chemin C'est un canevas de Verlaine qui me va Qui me va, qui me va bien Un canevas de Verlaine Où l'ailleurs est mon chemin C'est la frénésie d'une bataille, La pensée d'être invulnérable, Portée par des vents favorables Avancer vaille que vaille !! Car nous voulons de la passion encore Pas de mesure rien que la passion ! La passion pour seule ambition Qu' elle nous dirige et nous dévore ! Que ta vie soit faîte d'aventures, Grisée du soir au matin, Sur rythme de tango argentin ; Et tout le reste est littérature… C'est en 1980 que j'ai commencé à faire de la dialyse, à ce moment là j'habitais Paris, rien ne me prédestinait à ce poste très technique. Mais en dehors de la technicité, ce qui m'a rapidement séduit c'est la personnalité du dialysé, les rapports humains qui s'établissent et qui durent des années(de par la chronicité de la maladie). Après mon premier accouchement, c'est à Grenoble que j'ai exercée dans le service de l'hôpital de la Tronche j'ai pu approfondir une formation faite déjà de façon très sérieuse dans le centre AURA de Paris. À l'époque de ma formation pas de manque de personnel, on prenait le temps et il n'était pas rare qu'un contrat ne soit pas signé si la personne ne convenait pas parfaitement au poste, même après une formation de trois mois. Ce que j'ai pu regretter par la suite le centre de Paris! Chaque mois réunion du personnel avec le psychiatre attaché au centre, tous les sujets étaient traités, qu'ils soient inhérents à la personne soignée, à l'équipe médicale et paramédicale ou tout simplement à une pathologie particulière. Toutes les semaines un staff réunissait les médecins, infirmiers, assistante sociale, techniciens aussi s'ils le souhaitaient. Les sujets tournaient autour du dialysé et de la qualité des soins apportés. Il y avait aussi des cas-concrets: Tous les mois les médecins nous présentaient un dossier de patient. Il s'agissait de véritables cours qui nous permettaient de mieux comprendre et donc mieux suivre et soigner les différents patients du centre. J'avais vraiment le sentiment d'appartenir à une équipe. Cela relève maintenant de l'utopie, car non seulement les médecins n'ont pas l'envie et le temps de participer à des formations de ce type, mais de surcroît les infirmiers étant souvent en effectif réduit sont perpétuellement "crevés" et n'ont plus d'ailleurs ni l'envie ni l'énergie de s'éterniser sur leurs lieux de travail. Il y a aussi le fait qu'(… ) " il y a des services où les infirmières ne sont pas des collaboratrices à part entière, mais des " petites mains " justes bonnes à obéir. Cela dépend du patron. " (Le stress des soignants. M.F.Dispa. Gael. Mars 2005.p.169.) Lorsque je prends à mon compte cette réflexion j'ai croyez-moi dépassé le stade de la phase d'investissement pendant laquelle j'ai pu avoir le désir idéaliste et irréaliste de vouloir révolutionner les mentalités de ma hiérarchie !! Je ne voudrais pas que l'on pense dès le début de ces quelques lignes que ce soit une diatribe contre le corps médical. Là n'est pas mon propos. Si le service ne m'avait pas convenu, je n'y serais pas resté 20 ans. Néanmoins, à côtoyer les gens aussi longtemps vous finissez par vous faire une idée exacte de ce qu'ils sont. Ma hiérarchie dans sa grande majorité n'avait aucune reconnaissance pour le personnel, certains n'arrivaient même pas à se souvenir du prénom des infirmières, d'autres de par leur suffisance et leur mépris faisaient peur à certain(e)s patient(e)s (qui faisaient semblant de dormir pendant la visite pour ne pas avoir à leur parler), d'autres encore ont fait le choix du pouvoir et de l'argent. Dans le lot j'ai eu du plaisir à travailler avec un seul, j'avais avec lui des rapports normaux, tout simplement humains. Je ne peux pas généraliser mon propos, car fort heureusement tous les médecins n'ont pas démissionné, je pense à tous ces généralistes mineurs de fond qui ne comptent pas leur temps, à tous ces médecins urgentistes toujours dans l'urgence, à tous ceux qui exercent leur métier avec tellement d'amour que les larmes me montent aux yeux. Malheureusement j'ai travaillé pendant trop de temps avec certains " médecins mercenaires " dont les regards se sont éteints. Je ne veux en aucun cas sous-entendre qu'ils faisaient mal leur travail, en 20 ans de " dialyse " à leur côté je n'ai jamais vu d'erreurs médicales ou d'accidents techniques qui aient pu mettre la vie du patient en danger. Sur le groupe de médecins avec lequel je travaillais, il y en avait un autre pour qui j'avais beaucoup de respect et d'admiration, la médecine chez lui était un don ! J'aurais sans doute voulu que les autres lui ressemblent. Vous ajoutez à cela le fait que certains patients considérés dans leur ensemble par les " entreprises de santé " comme des clients se comportent comme tels…et donc pensent que le personnel soignant est là en tant que domestique et bien tout cela contribue à la perte de motivation que l'on observe parmi les jeunes diplômés. Je ne peux pas leur en vouloir, car ils héritent d'une situation que nous avons laissé se dégrader sans réagir, soit pas nos choix politiques, soit parce que nous n'avons pas vu le monde évoluer, les infirmières étaient " trop bonnes, trop connes, trop nonnes !! " La bossa des infirmièresDelphine Mailland/ Bernard Di DomenicoDeposé SACEMComment faire pour m'en défaire Je voudrai bien passer la main Comment faire pour s'en défaire Je voudrai bien aller plus loin Fin de matinée dans les vestiaires, C'est le ballet des infirmières, Trois petits tours à petits bons… Les unes arrivent d'autres s'en vont !! Lorsque je suis dans le service Il faut me croire c'est pas du vice, Mardi jeudi ou même samedi J' me fais l'aiguille du midi Et voilà comment sans prétention On s'fabrique une réputation " de celle qui pique " et pourquoi pas Prend du plaisir à vous faire ça. J'ne suis pas là pour discuter Je suis un pion sur l'échiquier Celui qu'on pourra sacrifier Je suis là pour m'exécuter ! Le métier ne me rend pas triste Au lieu de faire l'alpiniste J'aurai voulu être une artiste ! J'aurai voulu… être .. pianiste !! C'que j'en dis c'est quand ça va pas, Sinon mon turbin croyez-moi ! C'est une vraie profession de foi ! C'est mon Amérique à moi ! La date est toujours restée gravée en moi, il est des jours qui décident de toute votre existence. Bien que jeune IDE, j'avais- eu la chance d'avoir reçu une excellente formation sur la dialyse à Paris et Grenoble comme je l'ai précisé plus haut. Alors bien sûr tout m'a été facile, une équipe s'ouvrait sur le rythme du matin: Travailler le matin cela veut dire se lever tous les jours à 4h30 sauf le dimanche, et prendre son poste en tenue à 5h30. Pourtant cela ne m'a pas découragé, à 24 ans rien ne m'inquiétait. Un an après j'étais nommée Surveillante. J'ai toujours pensé que ma nomination avait été décidée uniquement par le Surveillant Général et sans concertation avec les médecins. J'ai appris ma nomination le jour même de ma prise de poste…un matin en rentrant de congés, lorsque je suis arrivée dans le service " H " m'a dit avec son fort accent allemand : " tu es là " en me montrant le central. J'étais Major ! Jusqu'à présent les services de dialyse avaient été tenus uniquement par des hommes, pour la plupart des anciens infirmiers militaires, voire même légionnaires, inutile de vous dire qu'il a fallut faire mes preuves ! Mais quel plaisir de pouvoir former sa propre équipe, mettre en pratique ce que je souhaitais pour améliorer le travail de tous, et le bien-être des patients. J'ai institué la visite Major et Médecin avec transcriptions sur cahier de visite, bientôt les infirmiers se sont sentis concernés et suivaient eux aussi la visite. Ceci semble une évidence, mais ce n'était pas le cas il y a 22 ans de ça ! J'avais mis au point un roulement qui permettait à chacun, tout en faisant les heures réglementaires, d'avoir un jour de repos sur la semaine ou un long week-end de trois jours ou un petit de deux jours et le troisième week-end ils travaillaient. Au moins j'arrivais à casser pour ceux qui le souhaitaient ce cycle infernal des matins. Je suis arrivée très vite à avoir une équipe soudée, au point que nous passions souvent nos temps libres ensembles ! Bien sûr tout cela se répercutait sur le travail, les infirmiers avaient le sourire, les patients aussi, ce n'était une charge pour personne de venir à la clinique. Les médecins de la clinique n'ont jamais adhéré à cette façon de manager le personnel. Toute ma carrière il m'a été reproché d'être trop proche de mes collaborateurs, comme si cela m'enlevait l'autorité hiérarchique. Le fait d'être amie avec qui que ce soit ne m'a jamais empêché de lui dire ce qu'il y avait à dire. Seulement c'est sûr, je n'ai jamais réglé un problème devant une tierce personne. Je n'ai jamais eu l'envie de prouver que j'avais un quelconque pouvoir, de la même façon je n'ai jamais reconnu une autorité hiérarchique en temps que puissance. J'exécutais les ordres des personnes que je reconnaissais compétentes. Et lorsque quelque chose n'allait pas, je ne manquais pas non plus de le faire savoir, je suis toujours restée polie, ne les ai jamais tutoyés, ils n'avaient aucune prise sur moi du moment que mon travail était correctement fait. Je dois ajouter que j'ai toujours su accepter les reproches s'ils étaient justifiés, qu'ils me soient faits d'ailleurs aussi bien par mes infirmiers, que par mes supérieurs hiérarchiques. À cette époque je me suis disputée vigoureusement avec la directrice de la clinique plusieurs fois. Notamment lorsque pour des raisons personnelles (je divorçais et il me fallait des horaires plus convenables pour m'occuper de ma fille de trois ans )j'ai demandé un changement de roulement. Le Surveillant Général atteint d'une grave maladie (qui devait avoir raison de lui quelques mois plus tard) laissait sa place à " J " qui, lui laissait son poste vacant. C'est ainsi que je quittais une équipe en béton, et que commençais pour moi le rythme des : mardis, jeudis, samedis. Petit aparté pour vous expliquer comment fonctionnaient les services : avant mon arrivée il existait un seul roulement de 12h de travail (soit deux séries de dialyse) sur les lundis mercredis vendredis, de midi à minuit, puis un autre s'est rajouté les mardis, jeudis samedis, de neuf heures à dix-huit heures, (nous ne faisions que 36h payées 39 ) enfin les rythmes des matins, de 6h à midi, de ce fait le roulement du mardi, jeudi, samedi a dû glisser ses horaires de midi à minuit. Le service était divisé en deux unités, qui travaillaient sur le même rythme. C'est ainsi que pour le même salaire, certains allaient avoir tout leurs week-ends de libres et d'autres aucun et que cela durerait 12 ans !! Alors bien sûr lorsque vous étiez embauché, vous commenciez par travailler sur le rythme du matin, puis de guerre lasse à l'occasion d'une démission vous accédiez au roulement du mardi, jeudi, samedi ; à partir de là tout était une question de chance et de patience pour aller sur le lundi, mercredi, vendredi, ceci pour les infirmiers car lorsque vous étiez cadre vous étiez vissé à votre roulement. J'ai donc passé des années à former du personnel que je voyais soit démissionner, soit partir sur l'autre roulement. J'ai bien du connaître la moitié des effectifs !!! Car nous étions toujours deux équipes par roulement. Il y avait donc un autre forçat qui occupait le même poste que moi dans l'unité en face. À ce moment là, la première pierre dans l'édifice du burn-out était posée, j'ai toujours ressenti ces roulements comme une injustice. Dieu sait que j'ai essayé de me trouver toutes les raisons possibles pour accepter cet état de fait, le samedi en partant au boulot je me disais : les boulangers travaillent aussi le samedi ! Une petite voix me répondait, " oui, mais tous les boulangers ! " Il ne fallait pas compter sur les surveillants du lundi, mercredi, vendredi pour inverser un week-end ! Même en programmant le remplacement six mois avant, il y avait toujours quelque chose de prévu à ce moment là ! Il n'y avait qu'avec " la " Major du matin de mon unité que je pouvais m'entendre, cela voulait dire que pour avoir un samedi de repos il me fallait lui rendre deux matins de six heures et bien sur au moins un samedi matin : Il y avait donc un samedi ou je faisais 18 heures de rang. Bien entendu, elle était, elle aussi obligée d'en faire autant. C'était cher payé pour un week-end de repos. Qui n'a pas été invité un samedi à un mariage ? Quelle vie sociale a t'on quand on ne peut recevoir personne chez soi le samedi ? Je ne suis jamais partie avec mes enfants et mon époux en week-end au ski ou ailleurs, de plus croyez-moi après un samedi de 12h le lendemain matin vous êtes en croix dans votre lit, vous ne mourrez pas d'envie de faire les quatre cent coups. Et le lundi matin les enfants reprennent l'école. Si j'insiste sur le samedi c'est parce que le samedi nous n'avions pas de brancardier pour transporter les patients hospitalisés de leurs chambres jusqu'à la dialyse et vice versa, que les patients hospitalisés n'ayant pas l'utilité de leur week-end passaient en dialyse le samedi, le raisonnement était le même pour les personnes âgées. Il s'agissait de ce fait de patients plus lourds. Il était tout à fait normal par ailleurs que les dialysés plus jeunes et qui de surcroît travaillaient, passent en dialyse le lundi, mercredi, vendredi, là n'est pas le problème. Le samedi il y avait un seul médecin de garde pour les dialysés à partir de midi, soit une centaine de personnes à gérer, sans parler des hospitalisés en étage. Les médecins ne chômaient pas, mais un week-end sur six ! En semaine ils étaient six, il y avait aussi le Surveillant Général, sans compter les secrétaires, vous avez compris que dans ces conditions je me sentais un peu seule quand venait le samedi ! Mais dans le même temps, et c'est là que la situation est ambiguë, et dangereuse, je me sentais fière de m'acquitter si bien de mes responsabilités ! Et je me croyais indispensable ! Je pensais que mon énergie était une source inépuisable ! Je sais maintenant que si j'avais eu une direction qui prenne en considération cette inégalité, si j'avais eu affaire à une équipe de cadre soudée et solidaire le processus de burn-out aurait pu être évité.. …… ……Cet aparté fut plus long que prévu ! …………Donc nous étions en 1986. Mis à part le roulement, pour moi tout se passait à merveille, mon poste me passionnait, je m'investissais à fond, mes patients étaient reconnaissants et je crois que c'était, là, mon moteur principal. Dans le même temps j'avais emménagé avec un nouveau compagnon qui travaillait en tant que technicien dans le même service de dialyse. La clinique représentait pour moi l'endroit ou ma vie avait définitivement trouvé sa raison d'être, j'étais vraiment bien dans ma peau. C'est en 88 que ma seconde fille est née, j'ai travaillé jusqu'au bout sans problème majeur pendant ma grossesse. Je continuais de façon systématique à faire remarquer au médecin de garde du samedi que c'était encore moi qui " étais là " . Le 15 août 88, une voisine m'ayant entendue chanter à tue-tête chez moi, m'a inscrit au concours de chant organisé au village du logis-neuf. N'ayant jamais été timide et ayant toujours aimé chanter, je m'y suis rendue, j'avais chanté trois chansons à capella alors que les autres participants avaient des bandes son. Malgré cela je remportais le concours. L'organisateur m'avait demandé de lui faire parvenir des enregistrements car il pensait que je pouvais faire " quelque chose " je n'ai commencé à envisager de faire " quelque chose " qu'un an après ! Un soir en rentrant du boulot à minuit j'ai déclaré à Alain, mon compagnon, que je voulais chanter. Aussitôt dit aussitôt fait, Alain a organisé, a trouvé des musiciens, a acheté du matériel, bref il a tout mis en œuvre pour que mon souhait devienne une réalité. Autant nous avions une passion pour notre métier, autant nous avons eu cette passion en commun pour la musique et le spectacle. Une fois de plus tout me réussissait. J'avais une vie équilibrée, des enfants en bonne santé et qui ne me posaient aucun souci, même si avec le recul je me dis que j'avais beaucoup d'activités cela ne m'a jamais pesé. Avoir une telle passion à côté de mon travail me permettait de me ressourcer, c'était une source de plaisir et de détente. Au travail cela se savait, surtout que je commençais à avoir quelques articles dans les journaux, ceux qui m'ont manifesté le plus d'intérêt ont été mes patients: Lorsqu'ils savaient que je donnais un concert ils étaient ravis, je crois qu'ils vivaient un peu à travers moi. Quelques-uns ont pu venir me voir chanter, notamment lors de la sortie de mon premier CD à l'Espace Julien. Je me souviendrai toute ma vie de EM qui avait fait le déplacement en fauteuil, il avait quoi : 25ans ? En dialyse depuis l'enfance, il avait subi plusieurs greffes. Je vous reparlerai de lui plus tard. Il y avait aussi YC qui venait tous les soirs en avance et qui partait tous les soirs très tard histoire de parler un peu musique avec moi, un traitement antibiotique lui avait fait perdre beaucoup de son ouie, mais il aimait malgré ce handicap écouter de la musique, alors chaque soir quand il arrivait, chaque soir il me disait de sa voix cassée si familière " alors et le jazz ? " Il aimait par- dessus tout un batteur : Buddy Rich, et le jazz était une passion, c'est lui qui m'a donné les deux photos de Ella Fitzgerald et Billie Holiday qui sont accrochées aux murs de mon studio. INCORPORER LES PHOTOS J'ai toujours fait la collection des miniatures de parfums et lui des porte-clefs, aussi nous nous trouvions mutuellement des pièces. J'ai un nombre incroyable d'objets que les patients m'ont apporté tout au long de ma carrière, objets hétéroclites, sans valeur matérielle mais tellement porteurs d'émotions et d'amour. Et le temps a passé, avec ses drames de tous les jours, drames courants dans le monde hospitalier, bien souvent j'ai discuté les ordres donnés, j'ai pris sur moi la responsabilité de quelques décisions qui me paraissaient essentielles. Comme exemple je vous parlerais de CM, une patiente de 82 ans, que j'ai soigné pendant trois ou quatre ans, je ne sais plus, et puis un jour bien évidemment vu son age, son état s'est dégradé, un samedi il m'a été ordonné de la dialyser. Quand je l'ai réceptionnée dans le service, elle était en coma ses bras œdémateux à la peau tendue suintaient de lymphe, j'ai compris qu'elle allait mourir, et l'on me demandait ce jour là de planter à nouveau deux aiguilles dans ce pauvre bras, à la recherche du trajet de la fistule. Ce jour là j'ai appelé le médecin de garde en lui disant ce que je pensais, il m'a répondu " son médecin a dit de la dialyser alors vous la dialysez " J'ai raccroché mon téléphone, et je me suis demandé ce que j'aurais souhaité pour ma grand-mère ? Alors j'ai repris le téléphone, j'ai appelé sa fille, je lui ai dit que sa mère était en train de mourir. Une demi-heure après la famille était là, avec les ambulanciers, CM a pu mourir au milieu des siens chez elle, quelques heures après. C'est un exemple des décisions que je n'ai jamais regretté d'avoir pris. S'il fallait se souvenir de tous les noms, de tous les visages… Ils me reviennent parfois fugitivement, au détour d'un rêve. Et jamais au cours de ces années je n'ai pu prendre le temps de faire le deuil de ces personnes qui pourtant avaient fait partie de ma vie pendant des années. J'ai eu plusieurs familles, et je les ai toutes perdues. C'était comme ça, j'arrivais, je compulsais le cahier de transmissions, je notais les choses importantes, au détour des pages je notais les personnes décédées et lorsque je relevais la tête de dessus le cahier il y avait les vivants qui attendaient leurs soins. Ainsi va la vie, ainsi va la mort. J'ai eu de drôle de rapport avec la mort, car malgré mes nombreuses années passées prés des malades je n'ai jamais vu une personne mourir. Hasard ? Cocteau disait que " le hasard, c'est la forme que prend Dieu pour passer incognito " peut-être. À défaut, j'ai porté ma croix par le nombre incalculable de gens que j'ai accompagné à la mort. Le temps a continué à s'égrainer, partagé entre les enfants, la musique, la clinique les travaux, la vie quoi !! Et puis est arrivé le 18 décembre 1993. Ma fille aînée âgée de 11 ans, m'apprenait que son père allait être hospitalisé pour des douleurs au foie. Les six mois qui suivirent racontent comment on meurt petit à petit d'un cancer généralisé à l'âge de 38 ans, comment on annonce cela sans tarder à un petit bout de femme de 11 ans, pour qu'elle puisse profiter de son père pendant les six mois de sursis qu'ils leur restent pour se dire leur amour. Philippe est mort le 19 mai 1994. Le 1er décembre 1994 je faisais parvenir une lettre à la Directrice du personnel, en lui demandant de retrouver un poste d'infirmière dans une équipe du lundi mercredi vendredi. Je voulais passer du temps avec mes enfants. J'attends toujours une réponse... Vous allez dire, elle avait qu'à insister…. En fait les choses se précipitaient à la clinique, le Patron était contraint à un dépôt de bilan, nous allions être sous tutelle pendant quelques mois, jusqu'à une stabilité financière qui permettrait d'être racheté. L'ambiance déjà tendue parmi les médecins allait devenir parfaitement détestable, le personnel soignant et les patients allaient en faire les frais. Ils ont dû choisir un médecin particulier, (ils ont été les précurseurs du médecin référent !) Des tas de changements sont intervenus dans les relations de chacun. L'année 95 fut difficile, je perdais pas mal de repères au travail et de surcroît il me fallut accepter le 4 juin la mort de ma tante Odette, le 6 juin la mort de ma grand-mère Delphine, le 11 juillet celle de mon père, et enfin en décembre ma grand-mère maternelle: Mémé Léo. Puis est venu le moment de la reprise, la clinique fut rachetée par un groupe américain qui devait faire de la clinique " la vitrine de l'hémodialyse " Lorsque vous intégrez un groupe le côté positif c'est que vous adoptez une politique commune (de réflexion, de travail basé sur le respect des " procédures ", le côté négatif : C'est le même !! Pour moi la grande révolution qui me donnait de grands espoirs dans le reste à venir ce fut les changements d'horaires, j'avais enfin un samedi sur deux de repos ! Petite anecdote ! Une réunion fut décidée qui réunît l'ensemble du personnel infirmier afin de discuter et trouver une solution au problème des roulements, qui miraculeusement devenait intolérable ! Je me souviens encore du médecin chargé de cet épineux dilemme, je l'entreprenais depuis des années sur ce sujet tous les samedis que le Bon Dieu faisait. Alors ce jour là, dans la discussion, assez vive, qui nous opposait, il me pointe du doigt et fait un lapsus très révélateur de sa pensée, au lieu de dire, vous me rendrez cette grâce, il dît "vous me rendrez cette GARCE !! " Je n'ai pu qu'exploser de rire. Fin de l'anecdote. Ce roulement n'était pas encore équitable car il laissait de côté ceux qui travaillaient le matin. Je tiens à préciser qu'il n'y eut jamais aucun problème, lié aux roulements, avec les patients (soins, sécurité, transmissions… ) Je le précise parce que pendant des années c'était l'argument majeur qui m'était opposé par les médecins, lorsque j'abordais le sujet. C'est au cours de cette période que " EM "et " YC " allaient mourir. EM mourut dans un autre établissement que le nôtre ou il avait été soigné pendant tant d'année, tout ça pour avoir eu la mauvaise idée de venir la nuit…. Je suis allée voir le directeur de l'époque, d'abord pour que cela ne se reproduise plus ensuite pour qu'il ait la décence de s'en excuser prés de la famille, au nom de l'équipe d'hémodialyse. J'espère que ceci a été fait. Puis ce fut au tour de YC. Lui, il est décédé des suites d'une intervention cardiaque, il avait 48 ans. Je suis remontée voir le patron, cette fois ci pour lui demander que le service comptabilité ne facture pas les jours de réanimation, la sœur de YC n'avait pas les moyens de s'en acquitter. Ceci fut fait. Lors de la levée de corps de YC, (il avait dialysé une vingtaine d'années entrecoupées par les temps de répit accordés par ses greffes) il n'y avait personne d'autres que les infirmières et les secrétaires. Aucun médecin. Jusqu'en 2000 rien de plus à signaler, vous me direz j'avais eu ma dose !!! Mon nouvel emploi du temps me convenait à merveille, je savais bien que le problème du roulement du matin, restait intact, mais égoïstement j'étais ravie de ma qualité de vie. Les bonnes choses ne durent qu'un temps…… En 2000, je crois, la sécurité sociale eut la bonne idée de changer quelques réglementations, le centre avait le droit d'avoir un nombre de générateurs de dialyse limité, mais en contre-partie le centre de dialyse pouvait dialyser dans une même journée autant de patients qu'il le voulait sur le même générateur !!! C'était en fait pousser le service à faire du travail à la chaîne, car le nombre de patients était tel qu'il était impossible à un autre centre d'en absorber ne serait-ce qu'une infime proportion, et tous avaient un besoin vital de dialyser tous les deux jours. Alors il a fallut trouver des solutions, et une fois de plus celle retenue ne fut pas équitable. Au lieu de répartir la charge de travail sur toutes les équipes, c'est sur mon unité et principalement sur mon équipe qu'elle le fut. En pratique cela signifiait que je dialysais 20% de plus de personnes que les autres équipes, que ces 20% étaient dans leur immense majorité des personnes en fin de vie, d'une moyenne d'age de 78 ans. Sur 12h j'avais trois séries de dialyses au lieu de deux. De surcroît étant hospitalisés, toujours selon le même principe, les patients dialysaient le soir, dernière séance à partir de 19h30 et je restais avec mon équipe jusqu'à plus de minuit, car il fallait le temps de les remonter dans leurs chambres de l'autre côté de la clinique (500 m aller/retour)… Pendant au moins deux ans j'ai tenu ce rythme infernal, j'ai soigné des déments, des aliénés qu'ils fallaient attacher pour certains le temps de la dialyse afin qu'ils ne s'arrachent pas leurs aiguilles, j'ai vu des regards qui me suppliaient d'arrêter les dialyses. J'ai réconforté les familles le soir au téléphone, je parlais avec eux du décès éventuel de leurs proches, j'ai même du appeler le SAMU pour faire interner un pauvre vieux monsieur qui m'agressait (bien faiblement il avait 90 ans), son épouse ne voulait plus de lui à la maison il lui faisait peur ! Alors quand vous passez des soirées entières à entendre hurler très fort " MA SŒUR IL ME FAUT DIX NAVIRES AVEC LES CALES PLEINES POUR YAOUNDE " quand vous vivez dans la misère et le sang, dans la souffrance et l'odeur de la mort…. Et que vous n'avez aucun soutien de votre hiérarchie !! J'ai vu et entendu des infirmières pleurer et crier car certains dialysés essayaient de partir alors qu'ils avaient encore les aiguilles de plantées, et qu'elles étaient occupées à débrancher un autre patient, soin qui réclame une attention toute particulière. Comment faire ? Comment être présente de partout au même moment ? Puis le temps est venu ou les bonnes volontés se sont lassées, il y a eu des vagues de démission, en plus de mon poste je me retrouvais souvent dans les boxes à faire aussi le travail de l'infirmière qui manquait. Ce fut aussi le moment ( un bonheur n'arrive jamais seul !) : Apparition du syndrome de la " réunionite " Il était suggéré au personnel de participer, pendant leur temps de présence, à de multiples réunions, je ne vais pas m'étendre sur leur contenu, leur nécessité et leur pertinence, je n'ai jamais compris que l'on ne règle pas d'abord les problèmes de personnel, les problèmes d'intendance, avant de s'occuper de procédures, validations etc… Pour donner un exemple de ce qui me paraissait essentiel: Pendant près de 1 an nous n'avons pas eu d'eau chaude dans le service, quand vous savez qu'une infirmière en hémodialyse se lave les mains au moins cent fois par jour, qu'elle porte des gants ou la qualité de l'amidon n'est pas toujours au rendez-vous, qu'elle est en contact avec des tas de produits, vous imaginez les eczémas !! Sans parler des patients qui se souillaient et qu'il fallait nettoyer à l'eau froide avec des bouts de papier tissé. Je n'ose même pas vous dire ce que l'on me répondait quand je soulevais le problème. Et croyez-moi lorsque j'abordais un problème je suggérais souvent des solutions. Mais bon, il m'a quelquefois été répondu que je n'étais pas là pour ça ! J'étais là pour m'exécuter !! Dans tous les sens du terme !! Et comment voulez-vous adhérer à un système quand ce qui était absolue vérité un jour ne l'est plus le lendemain ! Je m'explique: Pendant des années " on " nous a rabâché qu'il fallait débrancher le patient en utilisant un champ stérile et un maximum d'asepsie, au jour d'aujourd'hui ce n'est plus nécessaire ! À une époque ou l'on vous parle de plus en plus des maladies nosocomiales….. Il n'y a pas de petites économies… C'est tout. Tango toujoursDelphine Mailland/ Bernard Di DomenicoDeposé SACEMDans un brasero de couleurs Tu danses et tu avances sans peur Tu es la flamme tu es le feu La passion promise des Dieux En moi toujours cette pulsion de combat Jamais encore je n'avais baissé les bras Elle me fait avancer, elle me fait reculer Je n'aurais jamais cru que j'abandonnerai Tango d'une vie Tango d'un jour Tu rythmes le temps, Le temps d'une vie d'amour Tango d'une vie Tango toujours Tu comptes les temps Autant que je compte les jours. J'ai mené ma vie comme une mission Un devoir Sacré sans compromission Au feu du soleil je me suis brûlée J'avais des ailes et je savais voler ! Le Tango c'est sans doute finit pour moi Il y a des rythmes que je ne connais pas Je vais tourner mes regards vers ceux-là Une autre danse continuera pour moi ! Le Tango c'est finit pour moi, je pense Aux pas que je ne connais pas, j'avance !! D'autres rythmes sont faits pour moi !! Patience Je tourne les yeux vers ceux-là !! J'avance !! TANGO !! Dans le même temps j'avais une mémoire gigantesque, je me souvenais de tout, des traitements, des derniers résultats importants de l'un ou l'autre, des rendez-vous que je prenais pour les patients. Il était rare que un dossier ait du retard ou que j'oublie quelque chose. Je m'investissais à 300%, j'en aurais presque redemandé !! Mais les symptômes physiques ont commencé à survenir, les crises de colites m'obligeaient à faire la visite souvent accroupie, le dos appuyé contre le mur, j'ai eu plusieurs crises d'herpès, mal situées bien sûr, les douleurs dorsales avec des nœuds musculaires, des crises de sciatique, je suis même venue travailler avec un lumbago que je ne pouvais masser, car la veille à force de placer des bouillottes brûlantes sur les reins, je m'étais brûlée et j'avais des cloques, qu'une infirmière avait du soigner sur place ! Ce qui m'a le plus inquiété c'est le jour ou pendant près d'une heure j'ai eu des problèmes de vision sur l'œil gauche, un brouillard l'impression d'une lunette sale, croyez-vous que cela a inquiété le médecin avec qui je faisais la salle cet après-midi là ? Aucun commentaire. Le médecin du travail me trouvait dans une forme éblouissante ! Le seul jour ou elle ne m'a pas apprécié c'est sans doute celui ou lassée de n'avoir jamais eu les grilles de climatisation du central de nettoyées (comme les autres du reste !) (De nombreux bons de travaux en triple exemplaires, avaient été remplis, selon les procédures !!!) J'ai emprunté l'échelle au service technique j'ai dévissé les fameuses grilles (la femme de service les a lavées) et pendant ce temps j'ai entrepris de changer les filtres, sales de dix ans de poussière. Et pour clore le tout, le médecin du travail ayant assuré à une collègue allergique, que nous respirions l'air des alpes dans le service ; je les lui ai expédiés dans une enveloppe kraft. Je l'entends encore hurler au téléphone en me disant que c'était dégoûtant qu'elle en avait mis de partout dans son bureau ! Je lui avais répondu que j'étais parfaitement d'accord avec elle mais que c'était ce que nous respirions tous les jours. Affaire close, ne croyez pas que quoi que ce soit ait changé, je suis persuadé que j'ai été la dernière à m'occuper des grilles de climatisation. Je sais maintenant que je voulais trop en faire et trop bien, j'ai abusé de ma marge de réserve. Ma souffrance est devenue chronique, je ne la sentais même plus. Elle était devenue une seconde nature. J'étais au niveau professionnel dans une période de parfaite maîtrise, petit à petit je n'ai plus su laisser les problèmes du boulot au boulot, j'emportais tout dans ma tête, je ne pensais plus que " clinique " je suis rentrée dans un processus d'extrême intégration dans la normalisation, j'ai dans le même temps commencé à me désintéresser des relations humaines. J'accédais à tout ce que l'on me demandait " Dominique tu peux venir en heures sup. demain ? tu pourras les récupérer " Et Dominique disait oui, et Dominique venait, que de tension à la maison parce que je n'étais pas capable de dire non ! J'ai cumulé les semaines de 48h, dans les conditions précitées, je disais qu'une journée qui commence est obligée de finir ! Quelle consolation ! J'ai perdu ma personnalité, je ne chantais plus depuis de longs mois, j'écrivais encore moins, je n'avais plus de plaisir autre que de voir les journées se terminer. Quelquefois je m'asseyais quelques minutes sur le bord du lit d'une patiente, en m'excusant de ne pas avoir plus de temps à lui accorder individuellement. L'angoisseDelphine Mailland/ Bernard Di DomenicoDeposé SACEM" Ange plein de gaieté connaissez-vous l'angoisse, la honte, les remords, les sanglots, les ennuis, et les vagues terreurs de ses affreuses nuits qui compriment le cœur comme un papier qu'on froisse. " L'angoisse, je la connais L'angoisse, j'y suis passée L'angoisse, le mal est fait J'en croise qui sont tombé. Conscience angoissée de notre misère Je me sens prisonnière au milieu de tes serres Entre l'étouffement et l'impuissance, Le spleen, le burn-out sont l'infinie souffrance. L'angoisse, je la connais L'angoisse, j'y suis passée L'angoisse, le mal est fait J'en croise qui sont tombé. Solitude morale et incurable ennui, Malaise hallucination, limite folie ; Le spleen, tel une déferlante, S'abat sur mon esprit, le torture et le hante. Je voudrais retrouver le sens de la rythmique Pour me soulager rejoindre la musique : " C'est un ange qui tient dans ses doigts magnétiques, le sommeil et le don des rêves extatiques. " Elle sera la douce thérapeutique, La source de vie aux vertus bénéfiques Eveillera en moi la verve poétique : C'est un don du Seigneur, une offrande mystique. C'était le lundi 16 septembre, on m'avait demandé de venir en plus pour quelques heures, seulement, le temps que la Surveillante Générale accueille un nouveau médecin qui allait renforcer l'équipe existante. Rien de bien surnaturel, vers les 11h du matin arrive l'ancien Surveillant Général " J " parti à la retraite depuis un an, dans le même temps une infirmière, qui était en poste depuis pas mal d'années, une " ancienne ! " Quelqu'un en qui j'avais confiance et que je connaissais bien, vient m'informer que Mme X présentait une tension à 4 à une demi-heure du débranchement. En temps ordinaire je me serais déplacée au lit de la patiente ne serait-ce que pour la rassurer, le cas est malheureusement courant en fin de séance. Et bien ce jour là je l'ai regardé avec un pauvre sourire en lui disant " effectivement ce n'est pas beaucoup ! " Je crois que je n'oublierai jamais l'impression d'étonnement qui se peignît sur son visage ! A ce moment je réalisais que quelque chose n'allait pas dans mon comportement, je me sentais incapable d'un seul coup de donner un ordre, prendre une décision, aller au contact d'un patient m'aurait demandé un effort dantesque. Je n'avais échangé avec " J " que quelques phrases et j'ai commencé à pleurer, sans savoir pourquoi, comme ça au milieu du service, puis mes larmes se sont transformées en sanglots. En sanglots tels qu'il a fallut m'isoler dans la cuisine, puis les tremblements, puis l'envie de hurler, j'aurais pu pleurer des heures, j'ai du pleurer des heures. Le géant de glaceDelphine Mailland/ Bernard Di DomenicoDeposé SACEMJ'ai surpris un géant de glace Il pleurait ses larmes au soleil Sans s'émouvoir d' sa carapace Epuisée de sanglots vermeils. Ce monstre de froideur, ce bel indifférent, Lui qu'on croyait au-dessus des tourments, Ainsi se lamentait, pleurait comme un enfant, Tel Jésus crucifié, versant des larmes de sang. Trop de douleur, trop de chagrin, trop de souffrance en vain Et l'apparence de sauver son destin. J'ai surpris un géant de glace Blessé, il cherchait le sommeil La nuit c'est parfait pour l'impasse Les pieds sur terre les yeux au ciel Fatigués de lutter, vers les cieux se tourner, A deux genoux prier pour oublier Enfin baisser les armes, Et s'il reste une larme, Saisir l'instant crucial Qui la change en cristal. Trop de douleur, trop de chagrin, trop de souffrance en vain Et l'apparence de sauver son destin. J'ai surpris un géant de glace Il pleurait ses larmes au soleil, Et à l'heure où le jour trépasse Il avait regagné le ciel…. Le ciel… Ce premier arrêt a duré 1 an. Je n'en ai qu'un souvenir imprécis, comme si j'avais eu la tête dans un sac pendant 1 an. Au bout de quelques jours je suis allée voir le psychiatre car j'avais compris que j'avais besoin d'un traitement de fond, et sans doute de libérer ma parole. Je ne sortais plus de chez moi, agoraphobie, j'ai du faire deux pleins de carburant pour ma voiture en 1 an !! Je n'avais aucun désir, aucune envie, j'étais vidée épuisée, je pleurais sans arrêt à la moindre- occasion, je prenais un livre et je n'arrivais même pas à saisir le sens général de ce que je lisais. Le feuilleton " Derrick " j'avais du mal à le suivre !!! J'étais devenue incapable d'organiser le moindre repas à la maison, dés que je sentais la crise de panique arriver, je faisais des tâches ménagères. (En même temps je prenais un comprimé !) Tout simplement parce que ces gestes ne me demandaient aucune réflexion, m'occupaient les mains, tout en me permettant de me calmer. Inutile de vous dire que ma maison brillait. J'ai du dormir 12h par nuit (avec somnifères)et 4h par jour au minimum. Et toujours dans mon sommeil je retournais à la clinique ! Toutes les nuits je les ai passé à discuter avec les morts, surtout avec YC, j'ai encore sa voix à l'esprit, il était avec moi en permanence. Le chemin des quatre saisonsDelphine Mailland/ Bernard Di DomenicoDeposé SACEMJe vous salue Marie ….Je vous salue bien bas… Début août, déjà l'automne s'annonce, Le cœur séché de l'été se cache sous les ronces, Des orages lointains on entend la semonce Leurs avertissements restent sans réponse. Pourquoi prier ?… Pourquoi prier ? Pourquoi s'inquiéter sous un ciel si pur ! Seuls les nuages aux confins de l'azur S'élèvent bedonnants d'un trop plein de chagrin Une seule larme changera leur destin. Pourquoi prier ?… Pourquoi prier ? Sur le chemin des quatre saisons Moi je cours derrière mon ballon Je vais mon pas je vais mon train Mais il m'échappe toujours des mains. Sur le chemin des quatre saisons Combien de fois ça tourne pas rond Même que parfois j' perds la raison Sur le chemin des quatre saisons Une pluie torrentielle que rien n'arrêtera Nous ferons les surpris tout en levant les bras Trop heureux de cette eau qui nous sanctifiera Un arc- en- ciel final et…Abracadabra…. Pourquoi prier ?… Pourquoi prier ? Un coin de cheminée où nous ferons les chats Blottis dans nos duvets nous serons des pachas Méditants sur la vie, sur le temps sur l'hiver, Le printemps reviendra auréolé de vert… Pourquoi prier ?… Pourquoi prier ? J'ai eu beaucoup de chance d'avoir un mari formidable, jamais un mot plus haut que l'autre, jamais une once d'énervement devant mon apathie, c'est lui aidé par ma plus jeune fille (la plus grande était en école de gendarmerie ) qui a fait tourner la maison pendant cette longue année. Dès le début il m'avait dit " c'est une maladie comme une autre, comme une grippe en un peu plus long, mais tu t'en sortiras " Je me suis raccrochée souvent à ses paroles, il avait raison. Je n'ai rien fait de toute l'année, rien, plus j'avais des crises d'angoisses plus elles me paraissaient douloureuses, j'aurais fait n'importe quoi pour que ça s'arrête ! Dans ces moments là l'entourage est très important, je crois que si je suis en vie c'est grâce à eux. J'avais au départ beaucoup de rancœur envers l'équipe médicale avec qui j'avais travaillé tant d'années, je leur en voulais d'avoir été si peu attentifs à mon état. Je sais maintenant que nous sommes les seuls acteurs de notre santé, et que nous ne pouvons compter que sur nous. Les grosses sociétés qui nous emploient ne sont là que pour faire de l'argent, même si elles oeuvrent dans un secteur qui se doit d'être humanitaire. Nos véritables dirigeants sont les actionnaires dont le seul mot d'ordre est " productivité, rentabilité ", alors que Mme X ,Y ou Z, fassent un burn-out, qu'est qu'ils en ont à faire, ils ne la connaissent même pas !! C'est comme la guerre, elle est encore plus facile à faire maintenant qu'avant, on tue de plus en plus loin les missiles ne connaissent pas le remord, ni le regret d'ailleurs. C'est pendant ma période d'arrêt de travail que les " boxes qui tournent "ont été supprimés. Ce que j'ai pu pleurer en l'apprenant ! Et le temps est passé, une fois de plus, un nouveau printemps, un nouvel été, je décidais de reprendre le travail à l'automne. Au bout de trois mois de reprise, Alain en rentrant de la clinique m'a trouvée recroquevillée dans un coin du canapé, (comme au temps de ma première dépression) " tu veux que l'on aille faire un tour ? " " Oui ! Chez le psychiatre " psychiatre qui n'a pas été étonné de me revoir, et qui m'a remis en maladie. J'ai insisté pour reprendre le travail trois mois après et cette fois-ci à mi-temps thérapeutique, mais la machine était cassée, je n'avais plus le feu sacré, j'avais peur de ne pas savoir réagir face à l'urgence, il m'arrivait de ne plus savoir s'il fallait que je prenne le stylo ou le téléphone en main, j'avais l'impression que l'équipe entière se rendait compte de mon angoisse. Incidemment les troubles du sommeil sont revenus, je n'étais pas sevrée des médicaments, et je le vivais très mal…. Oeil de nuitDelphine Mailland/ Bernard Di DomenicoDeposé SACEMNuit sans lune Nuit sans sommeil S'écoulent une à une Me tiennent en éveil. Pleine lune Porte conseil Lune brune Perle du ciel. Nuit cosmique Au regard blanc Œil unique Dans le firmament. Nuit sans rêve Nuit sans plaisir Pas de trêve Et aucun désir. Oublié le sommeil Le baiser de la nuit Le plaisir du réveil Aux membres engourdis. Oublié le sommeil Le baiser de la nuit L'insomnie a des charmes Noyés de mes larmes. Dormir, dormir Vivre ma nuit Dans un soupir Briser l'ennui Et m'endormir. Je voudrai tant Fermer les yeux Pour un instant Rêver un peu Dormir, dormir Vivre ma nuit Brûlant désir Quel est ton prix M' abandonner Au tourbillon D' un tourbillon D' un grand papillon de nuit… Nuits sans lune Nuits sans sommeil Passager nocturne D'une nuit d'éveil. Nuits sans lune Nuits sans sommeil S'écoulent une à une Me tiennent en éveil. Nuit sans fête Nuit d'insomnie Etrange cachette Des oiseaux de nuit. Nuit silence Nuit d'amnésie Nuit qui danse Jamais ne s'ennuie. Oublié le sommeil Le baiser de la nuit Le plaisir du réveil Aux membres engourdis, Oublié le sommeil Le baiser de la nuit L'insomnie a des charmes Noyés de mes larmes. Dormir, dormir Vivre ma nuit Dans un soupir Briser l'ennui Et m'endormir. Je voudrai tant Fermer les yeux Pour un instant Rêver un peu Dormir, dormir Vivre ma nuit Brûlant désir Quel est ton prix… M'abandonner Au tourbillon D'un tourbillon D'un grand papillon de nuit…………. J'ai fini par avoir une perte de confiance en moi à me trouver dans l'incapacité de prendre une décision, je m'efforçais de vivre dans l'instant présent mais mon esprit anticipait le pire en permanence, je recommençais à avoir des problèmes d'attention de concentration. L'ambiance du travail ne s'était pas améliorée, le seul point positif était que maintenant tous les roulements, qu'ils soient de 12h ou du matin, étaient équitables, mais il n'y avait pas plus de reconnaissance et de soutien par la hiérarchie qu'auparavant. La charge de travail devenait trop importante pour tous, au détour d'une réunion de surveillant(e)s, avec médecin gestionnaire et Direction, je proposais avec le soutien d'un de mes amis (cadre infirmier aussi) un changement dans l'organigramme, la création d'un poste qui serait l'intermédiaire entre le Major d'unité et la Surveillante Générale, ce qui aurait eu pour effet de soulager les deux postes et de faire en sorte que chacun d'eux retrouve leur véritable fonction. La réponse fut " mais pourquoi ? Puisque vous faites déjà tout si correctement ! " Ou comment prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages !! Et puis finalement ce que je redoutais le plus est arrivé, un jour de grève dans un autre centre, nous avons du faire face à l'arrivée et la prise en charge des dialysés de ce centre. Les personnes arrivaient au compte goutte, nous les mettions en dialyse sans tenir compte des plannings, en répondant à l'urgence si besoin, tout en ayant nos patients habituels. Ce jour là mon cerveau a dit non il s'est mis à agir sans que je puisse maîtriser quoi que ce soit. Alors que j'effectuais un débranchement, (blouse, masque, lunettes, sur-lunettes de protection) j'ai eu une bouffée d'angoisse qui s'est traduit par une crise de panique quand je me suis aperçue que malgré le fait d'être entourée d'une centaine de personnes, pas une ne s'apercevait que j'étais en train d'étouffer et de pleurer sous mon masque, pas un son ne sortais de ma gorge, de surcroît je ne voulais pas affoler le patient, je poursuivais donc mon geste en me demandant comment cela allait se terminer. Heureusement un aide soignant est passé par-là, et surtout a regardé mes yeux qui cherchaient désespérément de l'aide et du secours !! Bien entendu le lendemain j'étais convoquée par le médecin du travail qui me conseillait de retourner voir le psychiatre et me déclarait inapte pour trois mois . S'en est suivie une convocation par le Médecin Conseil de la sécurité sociale, dans un premier temps il me proposait l'invalidité I, pour le mois de septembre (après trois ans de maladie c'est ainsi) et me donnait rendez-vous ultérieurement, afin de voir l'évolution. L'évolution fut vite vue, au mois de juillet /août je fut hospitalisée dans une maison de repos psychiatrique (je crois que c'est ainsi que les termes effraient le moins) J'y suis rentrée à reculons…. Mais au bout d'une semaine je ne voulais plus en sortir ! Le temps de réagirDelphine Mailland/ Bernard Di DomenicoDeposé SACEMJe regarde la tronche des copains Pour tous le même regard incertain Dans notre âme la même souffrance Dans le cœur la même tolérance Nous sommes pourtant très différents Sans porter aucun jugement Personne ne vous oblige à sourire Il faut laisser la douleur s'accomplir. Mais il m'arrive de dire… Si t'angoisses Si t'angoisses Dis-toi qu'il est temps de réagir Si t'angoisses Si t'angoisses Sinon à petit feu tu vas mourir. Quelle paix intérieure de pouvoir être soi Libre de se parler ou de rester sans voix Nos cauchemars planqués dans le fond de nos poches On écoute, on comprend, on se sent plus proches. Fini la solitude l'intolérable ennui, La peur d'être la seule à sentir la folie, On est libre on le sait, on le sent, on le veut Vive la vie ! Les joies simples et les Angoisseux !! C'est pendant cette hospitalisation que j'ai été convoquée à nouveau par le Médecin Conseil qui cette fois-ci: Etant donné mon passif et mon état actuel me passa en invalidité II. Lorsque je suis sortie d'hospitalisation, j'avais écris les 11 textes du CD( que vous trouvez au fils des pages), j'avais compris qu'il fallait tirer un trait sur le passé et apprendre à vivre avec et autrement. Vivre pour vivreDelphine Mailland/ Bernard Di DomenicoDeposé SACEMJe vivais peut-être tout à coté de moi Je marchais sans doute à côté de mes pas Les sursauts de la vie ne m'intéressaient pas. Les sursauts de la vie ne m'intéressaient pas. Petite cigale étrange créature Je suis restée des années en culture Sans avoir de passé encore moins de futur Quelquefois le présent pour unique aventure. Vivre pour vivre, éviter de souffrir Vivre pour vivre, animés de désirs Vivre pour vivre… Notre peau de chagrin Vivre pour vivre… Un beau jour se défroisse, Vivre pour vivre… C'est l'envol, le plaisir Vivre pour vivre…La fin de notre angoisse ! La fin de notre angoisse… Je ne reconnais plus le monde où j'évolue Le temps est décompté avant d'être vécu Les peurs sont cachées, on les voudrait vaincues ! Les peurs sont cachées, on les voudrait vaincues ! Partir en courant ce n'est pas encore rattraper le vent Vivre très longtemps, n'est pas pour autant se sentir vivant Fuir ou combattre le temps nous rattrape Il finit toujours par ouvrir la trappe ! Néanmoins déclarée inapte à mon poste, après avoir refusé les deux propositions de reclassement (prévues par la loi) de mon employeur, j'ai pu être licenciée. Tout au long de ce processus je n'ai jamais pu aller dans mon service ne serait-ce que pour faire un petit coucou, il m'a suffit de voir écrit en toutes lettres " libre de tout engagement " sur ma lettre de licenciement, pour pouvoir descendre l'escalier qui m'en séparait lorsque j'étais au bureau du personnel. Je n'ai jamais souhaité " fêter " mon départ car je n'ai pas vécu cela comme un bonheur ou comme l'aboutissement normal d'une carrière, c'était tout au plus un immense soulagement, le point de non-retour de trois ans de maladie. Je n'ai réalisé que quelques mois plus tard, que c'était une chance inespérée de pouvoir revivre et faire des projets sans contrainte particulière. Entre parenthèses, sur l'équipe de huit surveillants que nous étions (six fixes et deux suppléants pour les congés et maladies et récupérations diverses)sur huit surveillants en 20 ans, une seule infirmière est partie en "bon état" à la retraite sans doute parce qu'elle n'a occupé le poste que sur la fin de sa carrière ( sur 10 ans à peu près.) Quant aux autres, ils sont soit en invalidité, soit en longue maladie, ou encore décédés. Alors bien sûr, vous me direz qu'il est difficile d'établir des liens directs entre les différentes affections de chacun et le travail. Le dénominateur commun: Le stress... …….. Quoi qu'il en soit, il ressort de mon expérience que le métier de cadre de santé est un métier dangereux (pour la santé !!) Il me reste de tout ceci……… Beaucoup d'amertume, quelques bouffées de colère selon les commentaires ou les promesses de nos dirigeants face aux problèmes du système hospitalier, des moments de dépression extrême, avec la crainte qu'elle devienne chronique. J'ai en plus certainement une certaine propension à trop réfléchir, mais je n'ai pas trouvé le moyen de stopper mes réflexions…. Il me reste aussi, j'aurais mauvaise grâce à vous le cacher, beaucoup de souvenirs merveilleux, d'amour et d'amitiés, collectés au long de ces trente années de métier. Et Dieu vous le rendraDelphine Mailland/ Bernard Di DomenicoDeposé SACEMDEUS TIB(I) ID REDDET J'étais en équilibre et puis j'ai perdu pied, C'est aux premières brumes que tout a basculé La corde trop tendue a fini par lâcher. Et moi je suis tombée Et Dieu vous le rendra…. Dieu me l'a rendu Et Dieu vous le rendra…. Quand je n'y pensais plus !! J'avais derrière moi trente années de métier, Des années d'amour de soins, et d'amitiés, Des fondations profondes en béton armé Et puis tout s'est cassé Et Dieu vous le rendra…. Dieu me l'a rendu Et Dieu vous le rendra…. Quand je n'y pensais plus !! Quand j'ai touché le fond je me suis retournée, Et là je les-ai vu par-dessus moi penchés Mes amours, mes amis, ceux-que j'avais soigné Mais Dieu ne s'est pas montré Et Dieu vous le rendra…. Dieu me l'a rendu Et Dieu vous le rendra…. Quand je n'y pensais plus !! Ne compte pas sur le ciel Mais compte sur toi Ne compte pas sur le ciel Il vaut mieux compter sur toi !! Pendant ces trois années ils ne m'ont pas lâchée Ils sont venus vers moi avec leurs mains tendues En vérité je vous le dis ; c'est Dieu qui m'a rendu Ce que je n'avais plus.. Et Dieu vous le rendra…. Dieu me l'a rendu Et Dieu vous le rendra…. Quand je n'y pensais plus !! Delphine n'a pas peur, Delphine ne souffre pas, Delphine est éternelle. Et par ce biais je continue à donner……. Du plaisir, en plus !! Plus de douleur, plus de cris de souffrance, plus d'angoisse face à la mort !! Quel métier extraordinaire ! Me reviennent en mémoire les paroles d'une chanson de Adamo, " c'est ma vie, c'est ma vie, je n'y peux rien, c'est elle qui m'a choisi, c'est ma vie, c'est pas l'enfer c'est pas le paradis !! " Ce qui me restait à faire comme un dernier devoir, comme une évidence, c'était d'écrire ces quelques lignes pour que le mot fin puisse s'inscrire au bas d'une page. Janvier 2010. Je relis et je me dis en paraphrasant une chanson célèbre : j'ai du faire toutes les guerres de la Vie pour être si forte (et si vulnérable aussi )aujourd'hui …Et l' Amour aussi…. Delphine Mailland (Ex Dominique ...) |
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